Le Maître du monde

(Tobor the Great)

 L'histoire

Le Docteur Ralph Harrison renonce à faire partie d’une toute nouvelle organisation gouvernementale nommée Commission Civile des Vols Interplanétaires, jugeant le traitement infligé aux pilotes d’engins spatiaux inhumain. Son collègue le Professeur Nordstrom et lui mettent alors au point un robot cosmonaute : Tobor.

Présentation de Tobor aux journalistes - Le Maître du monde (Tobor the Great)
Présentation de Tobor aux journalistes

Le petit mot du Doc

Tobor signifie Robot écrit à l'envers ! Pour ceux qui se seraient endormis à moitié film, explication est donnée de la bouche même de l'inventeur de la machine - le professeur Nordstrom – qui, explique-t-il, préfère parler de "simulacre d'homme électronique" !

LE MAÎTRE DU MONDE a donc pour sujet principal la robotique. Certes ce n'est pas nouveau mais tandis que la science avance (très doucement) dans le domaine, les années 50 sont propices à dévoiler quelques mécaniques qui auraient la morphologie de l'Homme et, bien entendu, la puissance d'une machine. Nous sommes en pleine anticipation et "I, Robot" d'Isaac Asimov, paru quatre ans plus tôt, a dopé les imaginations.

La science avance, et l'exploration spatiale aussi ! L'Homme commence tout juste à maîtriser le vol suborbital et personne n'a encore franchi la frontière ultime : il faudra patienter 7 ans avant que Youri Gagarine devienne le premier homme dans l'espace. Pour l'heure (nous sommes en 1954) on ne mesure pas totalement les conséquences physiologiques subies par le pilote qui s'aventurera dans le vide sidéral. Beaucoup d'hypothèses sont avancées et nombre d'expériences sont à mener.

L'introduction de LE MAÎTRE DU MONDE énumère les différents axes de recherche en la matière : matériaux, fusées, navigation céleste, astrophysique, aérodynamique, etc. Recherches confiées à un organisme nommé "Commission Civile des Vols Interplanétaires" (Civil Interplanetary Flight Commission – C.I.F.C.) qui préfigure, peut-être d'une manière prémonitoire, la création quatre ans plus tard de la NASA, le 29 juillet 1958.

Tobor réagit aux sentiments - Le Maître du monde (Tobor the Great)
Tobor réagit aux sentiments

Fortement persuadé qu'il n'est pas nécessaire de mettre en péril la vie d'un astronaute, le Docteur Ralph Harrison quitte le C.I.F.C.. Il s'allie à l'éminent Professeur Nordstrom qui partage son opinion - à juste titre -puisque celui-ci travaille sur un prototype expérimental de robot destiné à piloter le premier engin spatial. En Californie, dans le laboratoire moderne hyper-protégé de Nordstrom, tous les deux présentent leur trouvaille aux journalistes.

Tobor n'est pas seulement un assemblage de tôles et de circuits électriques, celui-ci est si perfectionné qu'il peut être commandé directement via les ondes électriques du cerveau, par télépathie (perception extra-sensorielle apprendra-t-on du film). Plus encore, il réagit aux sentiments, aux émotions externes. Ainsi, lorsqu'on le complimente, Tobor s'en trouve plutôt ravi (surtout lorsque c'est une belle qui le fait !). Par contre si l'on cherche à lui nuire, il se révolte violemment. Les règles de la robotique d'Assimov semblent avoir séduit le scénariste Philip MacDonald. Bref, Tobor est capable d'aimer comme de détruire. Le film, véritable vitrine hi-tech de l'époque (codage électronique, horloge parlante, etc.), permettra d'apprécier une télécommande miniature discrètement intégrée dans un stylo. Les japonais ont du voir le film !

Comme tout bon film de science-fiction des années cinquante qui se respecte (guerre froide et maccarthisme oblige), LE MAÎTRE DU MONDE introduit dans son scénario quelques méchants qui, sans dire leur provenance, appartiennent certainement au bloc de l'Est. L'invention de Nordstrom et Harrison faisant des envieux, une fois Tobor présenté, le film tourne autour de ces espions ennemis qui vont tout mettre en œuvre pour s'approprier la boite de conserve (Tobor y ressemble, convenez-en !), y compris le kidnapping du savant et de son petit-fils.

Gadge - Le Maître du monde (Tobor the Great)
Gadge

C'est le premier film associant enfant et robot tourné aux Etats-Unis. Brian, surnommé "Gadge" (diminutif de gadget, en raison du nombre de bricoles réalisées par le garçon) est âgé de 11 ans. Surdoué des technologies, une jolie maman et un père décédé en Corée, il est selon les dires de l'assistant de Nordstrom, promis à une belle carrière. L'avenir des USA est à la jeunesse ! Comme dans bien des films de cette époque, l'enfant est ainsi mis en avant : beau, gentil et intelligent. Si aujourd'hui cela irrite, voyons-y un message éducationnel, patriotique et élitiste envoyé aux familles américaines de l'époque... et aussi une manière d'ancrer le film dans la distraction familiale. Mais enfin, entendre le gamin expliquer à son grand-père qu'il a utilisé les logarithmes pour découvrir la clé réputée inviolable d'une serrure lumineuse (au demeurant intéressante invention pour l'époque, une de plus !)…il y a des gifles qui se perdent !

LE MAÎTRE DU MONDE offre un joli clin d'œil à Frankenstein lorsque la fille du professeur - Janice Roberts - s'exclame "Oh ! He looks alive" (Oh, il a l'air vivant) au premier mouvement du robot. D'ailleurs l'un des journalistes ne manque pas de faire allusion au monstre.

On remarquera avec intérêt que nos robots de science-fiction ont toujours été épris des femmes et beaucoup en ont tenues dans leurs pinces ! Comme ce fut le cas de Gort dans LE JOUR OU LA TERRE S'ARRETA (1951), comme ce sera le cas de Robbie dans PLANETE INTERDITE (1956), notre Tobor ne déroge pas à la règle, du moins sur l'affiche, car dans le film, ce n'est pas une femme qu'il transporte sur ces vérins musclés, mais le petit Brian. Et oui, la rencontre de l'homme et de la machine se veut sensuelle, fraternelle et sans doute aussi un peu érotique.

Entre les mains de l'ennemi - Le Maître du monde (Tobor the Great)
Entre les mains de l'ennemi

Un petit mot sur le metteur en scène. Lee Sholem est considéré comme le réalisateur le plus rapide de l’industrie cinématographique. Il tourne très vite et ne dépasse jamais les plannings. Plus prolifique qu'artiste, ses incursions dans la science-fiction sont rares. Parmi celles-ci notons SUPERMAN ET LES NAINS DE L'ENFER (1951), sorte de pilote de la série SUPERMAN (1952-1958) pour laquelle il dirigera 14 des 104 épisodes, et 4 épisodes de la série MEN INTO SPACE (1959-1960). En fin de carrière, Lee Sholem accouchera difficilement de DOOMSDAY MACHINE (1972), film sur fond d'holocauste nucléaire.

Quant au titre français - LE MAÎTRE DU MONDE - l'interrogation reste ouverte. Conserver le titre original, ou tout du moins une traduction plus fidèle comme le fit la Belgique (TOBOR LE GRAND) aurait semblé plus approprié.

16 janvier 2019