Danny Boyle

22.03.2007

Danny Boyle lors de la conférence de presse donnée le 21 mars 2007 pour l'avant-première de SUNSHINE - Danny Boyle
Danny Boyle lors de la conférence de presse
donnée le 21 mars 2007 pour l'avant-première
de SUNSHINE

Conférence de presse donnée par Danny Boyle le 21.03.2007 à la Cité de l'espace de Toulouse à l'occasion de l'avant-première de son nouveau film SUNSHINE.

Dans SUNSHINE, il y a quelques scènes qui font penser à 2001 L'ODYSSEE DE L'ESPACE, est-ce que ce film fait parti de vos références ?

Oui, c'est impossible d'y échapper, c'est comme un fantôme. Je me souvient que pendant le tournage c'était comme si Kubrick était là, tout comme Tarkovsky et Ridley Scott. Vous pouviez les sentir tout près de vous lorsque vous preniez une décision. Ils auraient eu les mêmes discutions que celles que nous avons eues sur la façon de faire les choses. Je me rappelle que pendant le tournage il y avait un débat sur la combinaison qu'il fallait choisir. Fallait-il rester fidèle à la combinaison de la NASA ? Fallait-il en changer ? Vraiment je pense qu'on ne peut pas faire ce genre de film sans être emprunt de leur passé et de leur expérience. Finalement c'est un corridor assez étroit dans lequel on embarque mais c'est à la fois très intéressant.

Vous avez refusé la direction du quatrième volet d'Alien. Pourquoi ?

Oui, j'ai été impliqué dans ALIEN 4 - RESURRECTION d'une manière très brève et à l'époque je n'avais pas assez de connaissances techniques et je pense que je manquais d'expérience. J'ai maintenant acquis cette expérience et je pense que cela a été une bonne façon pour moi de revenir à la science-fiction. Il faut aussi dire que les effets spéciaux son beaucoup plus facile à maîtriser qu'à l'époque et grâce à cette facilité j'ai pu faire ce film.

Dans votre film on remarque un évident clin d'oeil à ALIEN - LE 8EME PASSAGER de Ridley Scott. Est-ce volontaire ?

Oh oui, c'est un film fantastique. Petit à petit les gens ont réalisé que ce film était très respectable, un peu comme BLADE RUNNER. Lorsque le premier Alien est sortit, beaucoup l'on critiqué ; quand à BLADE RUNNER, on a dit que c'était trop commercial. Finalement je pense que ces films ont gagné le respect de l'opinion publique et je pense qu'on ne peut pas faire ce genre de film de science-fiction sans penser à ALIEN, ni à SOLARIS (celui de Tarkovsky), ni à 2001. Ce n'est pas la même chose avec un thriller où certes on peut avoir effectivement quelques références à Hitchcock mais lorsqu'on fait un film de science-fiction on est obligé de reconnaître l'expérience et le savoir faire de ces grands films.

SUNSHINE se déroule dans un futur proche. Y a t-il une comparaison avec notre époque où il se passe déjà des choses graves comme la disparition de la couche d'ozone ?

Dans un sens nous avons commencé le film il y a trois ans. A l'époque on parlait déjà du réchauffement climatique et je pense qu'on a voulu s'écarter de cette idée. On ne vouait pas faire un film sur cet aspect des choses, on voulait faire un film sur la science. La science a permis d'inventer la bombe atomique, la science peut donc être dangereuse mais elle peut aussi nous sauver. Aujourd'hui le réchauffement climatique intéresse tout le monde, même George Bush s'y penche. Mais vraiment ce que l'on voulait c'était faire – et cela peut paraître arrogant, car la science peut être terrifiante et à la fois extraordinaire – c'était de montrer comment la science peut nous sauver.

Mais n'avez-vous pas non plus voulu montrer les problèmes humains et l'évolution des relations de cet équipage confiné dans l'espace ?

Oui, ne c'est pas un simple film de science, vous avez raison. Il y a aussi ces huit astronautes, cette pression psychologique. Cette responsabilité qu'ils ont à sauver l'humanité est énorme. C'est une mission suicide, nous savons dès le départ qu'ils ne rentreront jamais. La plupart des films américains se terminent toujours bien, là on sait que ce n'est pas le cas. Il y a le fait de se rapprocher de cette étoile et desconséquences psychologiques que cela entraîne. Quand j'ai 'vendu' le film aux acteur je leur ait dit 'Imaginez le ressenti que vous auriez si vous vous rapprochiez de cette étoile'. C'est aussi tout l'intérêt de ce film.

Il y a la science mais qu'en est-il de la religion ?

Bien sûr, il y a ce rapprochement à la religion. Le soleil ! Vous imaginez, les générations ont toujours admiré le soleil, celui qui, comme Dieu, apportait la vie. Grâce aux effets spéciaux, j'ai pu montrer le soleil, mais finalement ma description était très liée au christianisme, d'une façon peut-être païenne mais quoi qu'il en soit il faut quand même représenter le soleil. Malheureusement, l'invention de l'électricité nous a un petit peu éloigné de cet aspect. Aujourd'hui on ne remercie plus le soleil pour la lumière, il suffit d'appuyer sur un bouton. Mais je pense que ce film nous ramène un petit peu plus à des valeurs de base. Aujourd'hui quand on regarde ce qu'il s'est fait au cinéma, on remarque qu'aucun film n'a été fait sur le soleil.

Quel genre de travail avez vous réalisé pour tenter de rendre ce film le plus crédible possible ?

Nous avons fait d'énormes recherche avec l'aide de la NASA. Lorsque les acteurs arrivent ils sont tous dans leur bulle du travail et le rôle du réalisateur consiste à faire éclater cette bulle, à les mettre en condition pour qu'ils entrent vraiment dans le film. Nous avons organisé des sessions de cohabitation où tout le monde devait s'immerger dans cette atmosphère. Nous avons utilisé des simulateurs vol à Heathrow et au bout d'un moment, ils étaient tous prêt à partir dans l'espace.

Qu'en est-il du vaisseau serre que vous nous montrait, pensez-vous qu'il puisse un jour exister ?

Il a été basé sur des études de la NASA. On l'a rendu un peu plus sexy mais ils se sont rendu compte que c'était la meilleure façon d'apprivoiser l'oxygène pour de future missions. Nous y avons placé des bambous mais c'était pour rendre la scène plus attractives ; les plantes grasses sont très productrices d'oxygène. On le voit quand cette serre brûle, Michelle est effondrée, c'est comme si elle perdait son bébé et cela la rend beaucoup plus dure.

Qu'est ce qui vous a amené à la science-fiction ? Est-ce votre rencontre avec Alex Garland [le scénariste] ? Est-ce votre incursion dans le genre avec votre court métrage ALIEN LOVE TRIANGLE ? Aimez-vous la science-fiction en général ?

J'aime vraiment la science-fiction. Je ne suis pas un fan de STAR WARS ni de STAR TREK, je préfère des films comme CONTACT, ALIEN, SILENT RUNNING, j'aime ce genre de film. ALIEN LOVE TRIANGLE se passait sur Terre, c'était plutôt une comédie. Non je préfère quelque chose de plus soft. Je pense même que l'on peut faire le lien entre PETITS MEURTRES ENTRE AMIS et SUNSHINE. Dans SUNSHINE, c'est plus réaliste, mais dans PETITS MEURTRES ENTRE AMIS, ils devaient jouer à la courte paille pour décider qui allait se charger de tuer.

Allez-vous poursuivre dans la science-fiction ?

Non, jamais ! Je ne retournerais pas dans l'espace. C'est un cauchemar, c'est un cauchemar bien plus grand que vous ne pourriez l'imaginer ; ceci pour deux raisons : tout d'abord, à cause du confinement… comme dans un vaisseau. Lorsque vous allez dans l'espace vous devez tout faire suivre ; vous ne pouvez pas inventer des choses à la dernière minute. Comme le disait Renoir, sur un plateau de tournage il faut toujours garder une porte ouverte. C'est très intense mais aussi très cloîtré. La deuxième raison est que cela demande beaucoup d'exigence et atteindre la perfection des films dont nous avons parlé est impossible. Les normes sont tellement élevés, le spectateur n'est pas indulgent et ne pardonne pas la moindre erreur, alors que dans une comédie, ce n'est pas grave, on oublie le film s'il ne marche pas. C'est pour ceci que je dit que techniquement cela a été un véritable cauchemar.

Est-ce que cela a été aussi cauchemardesque pour les acteurs ?

Non pas du tout, eux sont restés dans leur bulle. Après le tournage, ils changent de film. Cela n'a pas été aussi intense pour eux. Lorsque les acteurs sont partis, vous vous restez là et il faut réaliser les effets spéciaux, le montage ! Imaginez, cela prend un an, c'est comme si vous envoyez un escargot de Paris à Toulouse.

Y a t-il eu des scènes plus difficile que d'autres à tourner ?

Oui, toutes les scène en apesanteur. Elles sont vraiment difficile à tourner. Certains acteurs ont d'ailleurs eu plus de mal que d'autres. Michelle Yoeh et Hiroyuki Sanada ont eu plus de facilité car à Hong Kong et au Japon, les scènes 'aériennes' sont plus communes. Ils sont comme des oiseaux !

La science-fiction est souvent l'occasion de faire un peu d'humour, mais dans votre film, il n'y en pas. Pourquoi ?

Dans la science-fiction, il y a beaucoup de règles pré-établies, par exemple nous avons essayé de faire deux ou trois blagues, mais c'est très difficile. Il n'y a pas de sexe dans l'espace, pas de romance. Nous avons essayé d'introduire une romance entre Cassie et Capa mais cela ne marchait pas. Il y avait eu une scène de la sorte dans 2010 L'ANNEE DU PREMIER CONTACT, mais le public n'avait pas vraiment accroché. Il y a vraiment des règles à respecter lorsqu'on fait un film de science-fiction.

SUNSHINE a été interdit aux moins de quinze ans en Angleterre. Est-ce que cela vous pose un problème particulier ?

Pas du tout. Au contraire, je suis très heureux de cela. Je voulais faire un film très intense et cela est la preuve que j'ai sans doute réussi.