Action mutante

(Acción mutante)

 L'histoire

 Histoire complète

Ils sont six dont la chaîne de télévision JQK dresse les portraits : Alex et Juan Abadie, frères siamois ; César 'Quimicefa' Ravenstein, célèbre dans le monde du crime pour porter en permanence sur la poitrine une charge de cinq kilos d’explosif ; José Óscar Tellería, alias Manitas, mécanicien génial, arrêté plus de cinquante fois ; Amancio 'M.E.A.' González, sourd muet, un des plus bas coefficients intellectuel de la planète ; et Jose Montero, surnommé Chepa, nain, bossu, juif, franc-maçon, communiste et présumé homosexuel. Six affreux constituant le groupe terroriste ACTION MUTANTE.

Nous sommes en 2012. Les belles et beaux fortunés règnent sur le monde. Ramón Yarritu, leader et fondateur de la bande, sort de prison. Il a "sortie du ruisseau" des "déchets d’hôpital" pour en faire "les soldats de l’armée mutante". Décidé de frapper un grand coup ce "monde entre les mains de petits cons, de misérables fils à papa" ; il harangue ses troupes : "Y en a marre de tous les produits diététiques, marre de tous les déodorants, des voitures non polluantes et des eaux minérales ! Nous ne voulons pas sentir bon ! Nous ne voulons pas avoir la ligne ! (…) Maintenant tout le monde est con ou moderne. Nous sommes des mutants ! Pas des bites de plagistes ou des pédales de design. Nous allons montrer maintenant à tous ces merdeux ce qu’est la vraie vie !"

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La prochaine action doit être la dernière et la plus percutante : il s’agit d’enlever Patricia Orujo, fille du magnat des petits pains complets, au cours de la fête suivant son mariage. L’expédition tourne au massacre mais les activistes parviennent à fuir à bord de leur fusée, la "Vierge du Carmel". Ils prennent la direction de la planète Axturias, où doit avoir lieux la remise de rançon.

A bord, se lie une tendre relation entre la belle et Alex –au grand dam de son siamois, qu’il faut assommer. Ramon est plus radical qui, pour garder tout l’argent, décide de liquider ses hommes. Ceux-ci résistent le temps de mettre le vaisseau spatial en pièces. Ramon pose son engin en catastrophe sur Axturias puis traîne Patricia à travers déserts vers le "Bar de la mine perdue", point de rendez-vous avec Orujo et la rançon. La route est longue et dangereuse sur une planète sans femmes mais où pullulent mineurs fous et obsédés sexuels. Et Alex, seul survivant de l’extermination de Ramon, qui les poursuit, décidé de se venger et de récupérer Patricia. Celle-ci, de son côte, s’accroche à Ramon, dont elle est tombée amoureuse.

Enfin arrivé au bar, tout ce joli monde se retrouve pour un bouquet final en forme de tuerie générale. Au milieu des cadavres, surnagent Alex et Patricia…

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Le petit mot de Francis SCHALL

Pétri de culture cinématographique par la fréquentation des ciné-clubs, Álex de la Iglesia (né à Bilbao en 1965) a surtout longtemps exercé dans la bande dessinée. Ceci l’amènera à travailler comme décorateur et directeur artistique au cinéma et à la télévision espagnole. Il passe à la réalisation au début des années 1990 car remarqué par Pedro Almodovar qui finance ACTION MUTANTE, son premier film. Celui-ci sera suivi, en 1995, d’un grand succès public et critique, LE JOUR DE LA BÊTE (El Día de la bestia) ; auquel succédera, en 1997, le trépidant PERDIDA DURANGO.

Très vite, c’est la renommée internationale, de très nombreuses récompenses dans les festivals du monde entier, et un important succès critique et public. Pourtant, à mon goût, Álex de la Iglesia n’a pas a été brillant avec les comédies postérieures, orientées vers le pastiche du polar ou du film d’horreur, exercices plutôt lourds (MORT DE RIRE / Muertos de risa - 1999), MES CHERS VOISINS / La Comunidad - 2000), 800 BALLES / 800 balas - 2002), LE CRIME PARFAIT / Crimen ferpecto - 2004), et le sketch du film composite SCARY STORIES / Películas para no dormir - 2006). Beaucoup cependant adorent l'humour noir iconoclaste et décalé du réalisateur basque que nous avions rencontré en 2006 au festival Cinespaña à la Cinémathèque de Toulouse où il était venu discuter de son travail.

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Le cinéma menant à tout et même à la politique (voir Ronald Reagan ou Arnold Schwarzenegger, par exemple), il est nommée en 2009 ministre de la culture et à la présidence de l'Académie du Cinéma Espagnol, l'instance qui délivre les Prix Goya, équivalents des Césars français. En 2011, il démissionne tempétueusement de cette fonction, en contre de la loi Sinde, version de l'Hadopi française. Il s’est souvent engagé radicalement dans la défense d'Internet en tant que lieu prépondérant de la culture.

Le film a reçu le Prix du jury et le Prix du meilleur scénario au Festival du cinéma fantastique de Montréal en 1993. Et le Goya de la meilleure production en Espagne. Hors cet ACTION MUTANTE, pas d’autre incursion dans le domaine de la SF, mais Álex de la Iglesia a peut-être toujours en projet d’adapter la BD de Liberatore, RANX XEROX ( ?).

Dans le collimateur : société de consommation et beauté imposée comme icône ; la charge est énorme, plus proche –pour rester en Espagne-- de Bigas Luna que d’Almodovar. Le film est une succession de références, avec d’entrée un clin d’œil à ORANGE MECANIQUE ; on pense à John Waters, au western italien, on a même droit à la musique de MISSION IMPOSSIBLE, c’est dire que le cocktail va piocher dans toutes les directions du cinéma bis et des séries TV.

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Mais à vouloir trop en dire et en montrer, l’ensemble devient un vaste brouillon, où les idées, pourtant souvent intéressantes, se diluent. Dommage, car il existait dans son sujet tant d’ouvertures passionnantes ! Exemple : pourquoi n’avoir pas achevé la scène finale en réunissant Patricia et Alex en un nouveau mutant, androgyne cette fois ? La part absente du vrai culot ! Pour ma part, j’aurais préféré plus de folles réflexions et moins de vulgarité, distribuée ici à la louche. Le politiquement incorrecte peut s’exprimer autrement qu’à travers le gore et la scatologie… Evidemment, ces excès s’expliquent (ainsi que chez nombreux artistes ibériques d’alors) par la libération de la chape de plomb imposée pendant près de quarante ans par la dictature franquiste.

21 mai 2011