La créature du marais

(Swamp Thing)

 L'histoire

Dans les sombres marécages de la Louisiane, le scientifique Alec Holland, épaulé de sa sœur, travaille sur la mise au point d’une cellule végétale révolutionnaire. Dotée d’une intelligence et d’un instinct de survie semblable aux animaux, cette cellule pourrait permettre d’éradiquer la famine dans le monde.

Les deux chercheurs sont rejoints par l’agent gouvernemental Alice Cable et tous les trois sont en train de constater les incroyables capacités de cette nouvelle cellule lorsque le maléfique Dr Anton Arcane, obsédé par sa quête de l’immortalité, prend d’assaut le laboratoire à l’aide de sa milice personnelle pour mettre la main sur la formule. L’attaque tourne mal : Alice Cable s’échappe mais la sœur d‘Alec Holland est tuée et ce dernier, gravement brûlé lors de l’explosion du laboratoire, est laissé pour mort après s’être jeté dans le marais.

Le Dr Arcane emporte les dossiers de travail de Holland mais il constate qu’il y manque le dernier cahier avec les notes les plus récentes du scientifique. Il découvre que c’est Alice Cable qui possède le document et lance ses hommes à sa poursuite. Ces derniers voient leurs plans contrariés par une étrange créature mi-humaine mi-végétale qui n’est autre qu’Alec Holland…

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Le petit mot de Buck Banzai

A l’origine, la créature du marais (Swamp Thing en VO) est un personnage de bande-dessinée américaine créé par le dessinateur Bernie Wrightson et le scénariste Len Wein. Le personnage apparaît pour la première fois en juin 1971 dans une histoire courte publiée dans le comic book House Of Secrets. L’action prend place au début du 20e siècle et le héros y est nommé Alex Olsen. Motivés par le succès de ce one-shot, les deux auteurs décident d’en faire une série et de sensiblement réadapter l’histoire en plaçant l’action dans les années 70 et en renommant le héros Alec Holland. Cette série éditée chez DC Comics arrive dans les bacs à partir d’octobre 1972 et se poursuivra jusque 1976. Elle renaîtra de ses cendres 6 ans plus tard à l’occasion de la sortie du film en salles.

A l’aube des années 80, le nom de Wes Craven est déjà connoté cinéma d’horreur. Le réalisateur américain a en effet marqué une génération de spectateurs durant la décennie précédente avec des titres aussi traumatisants que LA DERNIERE MAISON SUR LA GAUCHE (1972) ou LA COLLINE A DES YEUX (1977). Aussi, l’adaptation cinématographique d’une figure populaire de la bande-dessinée telle que la créature du marais était une belle opportunité de montrer aux grands studios qu’il était capable de sortir du genre horrifique et de diriger des productions plus grand public avec de l’action et des cascades.

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C’est un Ray Wise encore débutant qui entre dans la peau de Alec Holland. Il s’agit de son premier film au cinéma après quelques apparitions dans des séries diverses. Engagé initialement pour aussi interpréter la créature, il dût se résoudre à laisser complètement le costume à Dick Durock, sa doublure cascade, lorsque l’équipe de tournage s’est rendu compte de la différence de carrure entre les deux hommes, différence qui aurait occasionné de sérieux problèmes de raccords !

Aux côtés de la bête, la belle Alice Cable est jouée par Adrienne Barbeau, dont le charme est, il faut l’admettre, légèrement atténué ici par une coupe de cheveux discutable. Starlette abonnée aux téléfilms jusqu’à ce que John Carpenter, son mari de l’époque, ne la propulse temporairement reine du Fantastique grâce à FOG (1979) puis NEW YORK 1997 (1981), Adrienne Barbeau est au sommet de sa popularité en 1982. La même année, elle reviendra à l’affiche d’une autre adaptation de comic book : l’excellent CREEPSHOW de George A. Romero.

Enfin, le rôle du Dr Arcane est attribué à l’acteur français Louis Jourdan, french lover préféré du cinéma américain depuis la fin des années 40 et qui prendra goût à jouer le rôle du vilain puisqu’il affrontera l’année suivante Roger « Bond » Moore dans OCTOPUSSY.

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Sorti sur les écrans américains le 19 Février 1982, LA CRÉATURE DU MARAIS a déçu plus d’un fan. On sent de la sincérité dans la démarche de Wes Craven mais impossible de faire de miracle quand on ne dispose que de 3.000.000 dollars de budget. Egalement crédité scénariste, celui-ci a manifestement tenté d’exploiter comme il le pouvait son modeste pécule pour rendre le spectacle divertissant tout en gardant de la personnalité. Ainsi, cette façon de dépeindre la campagne profonde américaine est typique de la filmographie de son réalisateur. On apprécie également au détour de certains plans l’hommage à L'ÉTRANGE CRÉATURE DU LAC NOIR (1954).

Ces quelques qualités ne masquent pourtant pas d’autres défauts, en particulier la piètre qualité des maquillages. Avec ses plis et son aspect caoutchouteux, le costume de la créature du marais fait penser à une combinaison de plongée customisée ! Le costume du Dr Arcane après transformation est encore pire : on le croirait issu d’une série B des années 60 ! Globalement, LA CRÉATURE DU MARAIS est un film qui n’a pas eu les moyens de ses ambitions et cela se ressent tout au long du film.

Cet échec artistique a marqué d’une certaine manière une étape dans la carrière de Wes Craven qui est aussitôt retourné vers ses premières amours horrifiques pour signer 2 ans plus tard un des plus grands films fantastiques des années 80 : LES GRIFFES DE LA NUIT.

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Ce film fut également une nouvelle étape pour le personnage de la créature du marais dont les aventures sur papier ont repris de plus belle sous la plume d’une nouvelle génération d’auteurs, parmi lesquels un certain Alan Moore (V pour Vendetta).

Enfin, ce fut un tournant dans la carrière de Dick Durock, cascadeur qui reprendra son rôle de la créature du marais au cinéma dans une suite aussi inspirée qu’inattendue en 1989, puis à la télévision dans une série produite de 1990 à 1993.

08 octobre 2015