Les fils de l'homme

(Children of Men)

 L'histoire

Nous sommes en 2027. Depuis 18 ans, plus aucune naissance n’a eu lieu. Theo, ancien activiste politique, voit son morne quotidien bousculé lorsque son ex-compagne reprend contact avec lui. Celle-ci, engagée auprès d’un groupe terroriste qui combat pour le droit des immigrés, lui demande d’escorter hors du pays Kee, une jeune réfugiée africaine. Theo accepte mais l’exfiltration rencontre rapidement des obstacles. Kee révèle alors à Theo la raison de leur périple : elle est enceinte.

Le petit mot de Buck Banzai

A l’origine, LES FILS DE L'HOMME est un roman de 1992 écrit par Phyllis Dorothy James, dite P.D. James (1920-2014). Très populaire outre-Manche, la romancière britannique s’était spécialisée dans le roman policier. De par son univers ancré dans le genre anticipation pure et dure, LES FILS DE L'HOMME est un titre un peu à part dans sa bibliographie.

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Budgétée à 76 millions de dollars, l’adaptation cinématographique de ce roman constitue un projet plus personnel pour le réalisateur mexicain Alfonso Cuarón qui sortait du succès de son précédent film, HARRY POTTER ET LE PRISONNIER D’AZKABAN (2004). Pour LES FILS DE L'HOMME, le futur réalisateur de GRAVITY (2013) dispose d’une pression commerciale bien moins forte, l’occasion de se permettre quelques expérimentations de mise en scène et de construire un background politique plus percutant. Tourné à Londres, le film sort en septembre 2006.

En terme de mise en scène, LES FILS DE L'HOMME est un véritable exercice de style pour son réalisateur. A l’opposé du montage ultra-haché d’un certain cinéma commercial, la narration de Cuarón se fait à base de nombreux plans-séquence qui demandent une certaine préparation des comédiens et de toute l’équipe technique, mais qui offrent au spectateur un sentiment d’immersion dans l’action parfois étonnant. Cette immersion est également rendue possible par une représentation visuelle crédible du futur. Les quelques avancées technologiques visibles sont suffisamment discrètes et réalistes pour ne pas déconnecter le spectateur et lui rappeler que c’est bien sa société qui est dépeinte. Ceci est en accord avec le parti pris du roman originel de plonger dans l’anticipation la plus pure.

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Le périple de Theo et de sa jeune protégée Kee est prétexte pour Alfonso Cuarón à pousser un peu plus loin les grandes tendances de ce début de 21e siècle, à commencer par la montée constante des discours populistes et de la xénophobie. Dans LES FILS DE L'HOMME, le monde est confronté à une crise sans précédent et le Royaume-Uni a cédé à une politique ouvertement discriminatoire envers les immigrés. Tandis que les chaînes de télévision relaient en boucles des spots propagandistes, des messages de haine et des appels à la délation, les forces de police traquent les immigrés pour les parquer dans une zone de transit avant de les déporter entassés dans des bus vers un ghetto géant rappelant de bien sombres évènements ayant marqué le cours du 20ème siècle. Cette question semble pourtant ne pas toucher les plus privilégiés puisque, lors de sa visite chez son cousin, un ministre haut placé, Theo, peux constater à quel point cette société du futur est à deux vitesses. En effet, pour rejoindre les bâtiments gouvernementaux, il traverse une zone ultra-sécurisée où la vie suit son cours dans une opulence indécente et où tout semble aller pour le mieux dans le meilleur des mondes, à quelques kilomètres à peine des quartiers populaires et des rafles. Le film fait aussi des références plus succinctes à divers sujets d’actualités comme le retour des pandémies ou la légalisation du suicide assisté directement chez soi grâce une substance appelée Quietus.

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On peut rapprocher LES FILS DE L'HOMME de SOLEIL VERT (Richard Fleischer, 1973) avec lequel il partage cette même volonté de dépeindre un futur désespéré et paraissant inéluctable. Les deux films s’emparent des angoisses de leur époque pour les mettre en images sans fard. Une réplique de Jasper Jones, personnage incarné par Michael Caine, résume bien l’esprit du film de Cuarón : "2003, l’époque bénie où les gens refusaient d’admettre que l’avenir les attendait au tournant". A méditer.

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08 mars 2015