King Kong

(King Kong)

 L'histoire

Le cinéaste de renom Carl Denham s'apprête à filmer la plus épique de ses nouvelles aventures. Mais son projet se fomente dans le plus strict des secrets. Le lieu de tournage ? Il ne le révèle pas même au capitaine du cargo qu'il a loué. Mais il lui faut une héroïne et pour l'heure aucune actrice ne semble vouloir accepter de travailler sans savoir de quoi il retourne. Le cinéaste s'emploie alors à sillonner ce New York où la grande dépression charrie des gens affamés en quête de travail. Le hasard va le mettre sur la route de la belle Ann Darrow qui, sans argent et résignée à voler pour manger, accepte rapidement de tourner pour le metteur en scène.

Le lendemain matin, le navire largue les amarres pour l'ouest de Sumatra. Là, Denham révèle sa véritable destination : une île qui vient d'être découverte par un navigateur norvégien. Celle-ci est habitée par des indigènes qui ont érigé un mur gigantesque pour se protéger de quelque chose… La légende dit qu'un monstre géant vit dans une montagne en forme de crane et qu'il y fait régner la terreur. Quelques plans de ce monstre de légende feraient à coup sûr le prochain succès du réalisateur.

Lorsque nos aventuriers arrivent sur l'île, les indigènes se livrent à un rituel en l'honneur de Kong et s'apprêtent à lui sacrifier une des leurs. Mais la cérémonie gâchée par l'arrivée des étrangers, ceux-ci jettent alors leur dévolu sur la belle et blonde jeune femme qui les accompagne : Ann Darrow. Elle sera le prochain présent fait à Kong…

L'arrivée sur l'île - King Kong
L'arrivée sur l'île

Le petit mot du Doc

"Oh non, ce ne sont pas les avions, c'est la belle qui a tué la bête…" (Carl Denham).

Tous deux journalistes de guerre et aviateurs, Ernest B. Schoedsack et Merian C. Cooper se rencontrent en Pologne durant la grande guerre avant de se retrouver quelques années plus tard sur le sol américain pour travailler ensemble. Impressionnés par NANOUK L'ESQUIMAU (1922) de Robert Flaherty, ils décident de tourner des documentaires dans des conditions extrêmes ce qui devient leur marque de fabrique. Ces films leur permettent de se faire remarquer d'Hollywood. Recrutés en 1931 par David O. Selznick qui vient de prendre les rennes de la RKO, leur premier chef-d'œuvre s'intitule LA CHASSE DU COMTE ZAROFF (1932). Réalisé par Schoedsack et Irving Pichel, il est coproduit par Cooper. L'histoire est celle d'un ancien officier russe qui organise sur son territoire des chasses à l'homme, un territoire sur une île mystérieuse qu'il est impossible de placer sur une carte mais qui déjà, avec sa jungle épaisse, possède les caractéristiques naturelles pour servir de berceau au roi Kong.

Kong apparaît - King Kong
Kong apparaît

Car depuis le tournage de QUATRES PLUMES BLANCHES (1929), Merian C. Cooper s'intéresse aux gorilles et rêve d'un film basé sur un singe géant, une bête qui fasse preuve d'humanité. Il imagine déjà un monstre de 15 mètres de haut juché sur l'Empire State Building1 et mitraillé par des avions de guerre. Mais il sait aussi que la réussite du film va de pair avec la crédibilité de son monstre. Alors baptisé "Production 601", Cooper propose son projet à la crème de l'animation image par image. Tandis que se tourne LA CHASSE DU COMTE ZAROFF, il charge Willis O'Brien de faire une pellicule d'essai avec un singe géant. Si O'Brien, spécialiste des animaux préhistoriques, propose une créature imaginaire, Cooper exige un véritable gorille et contacte même le musée d'histoire naturelle de New York pour obtenir les informations anatomiques les plus précises possible. Le test est concluant, le feu vert est donné pour KING KONG, "la huitième merveille du monde"…

C'est Edgar Wallace qui écrit les premiers éléments de l'histoire. Mais le romancier succombe à une pneumonie au début de sa collaboration, le 10 février 1932. Seul l'effeuillage de l'héroïne par Kong restera de ses écrits. L'écriture du film passe alors de main en main : celles du scénariste James Creelman et celles du jeune comédien devenu écrivain Horace McCoy. Le projet prend tour à tour les noms de "The Beast", "The Height Wonder" (la huitième merveille du monde) et "Kong". Mais l'essentiel du script est rédigé par Ruth Rose, la femme d'Ernest B. Schoedsack. Deux thèmes se croisent, celui du monde perdu et celui de la belle et la bête.

Ann Darrow est offerte au monstre - King Kong
Ann Darrow est offerte au monstre

C'est grâce aux rushes de son film du moment, CREATION (1931), que Willis O'Brien, révélé par LE MONDE PERDU (1925) d'Harry O. Hoyt, attire l'attention de Merian C. Cooper. CREATION raconte l'histoire d'une poignée d'homme qui débarque sur une île peuplées de créature antédiluviennes. La réalité de la crise économique2 qui frappe alors le pays oblige à l'abandon de la production qui a déjà couté la somme exorbitante de 100.000 dollars. Cooper, impressionné par le travail de l'animateur, lui propose alors de superviser des effets visuels de KING KONG. Plusieurs plans du projet avorté seront tout simplement réutilisés dans les scènes du film. On est déjà loin des simples caches et contre-caches du MONDE PERDU. Toute la panoplie des avancées techniques d'O'Brien sont ici mises en œuvre : stop-motion, rétroprojection, peintures sur verre, fonds bleus, etc. Six exemplaires du gorille géant sont fabriqués par Delgado, le spécialiste des miniatures qui travaille avec O'Brien depuis presque toujours. Latex et véritables poils de lapin3 forment la peau et le pelage de Kong. Pour les gros plans, on construit une tête, un pied (qui écrase quelques indigènes, scène coupée dans la version américaine, jugée trop "monstrueuse"), une main et un buste géant recouvert de 40 peaux d'ours ! Plusieurs semaines de travail sont nécessaires pour animer la bataille de 3 minutes qui oppose Kong et un Allosaure. Quant au cri du gorille, il est obtenu en faisant défiler à l'envers des rugissements de lions et de tigres.

Une histoire qui se termine au sommet du plus haut gratte-ciel d'Amérique - King Kong
Une histoire qui se termine au sommet du plus haut gratte-ciel d'Amérique

A l'origine le strip-tease de Fay Wray, scène déjà particulièrement osée pour l'époque, devait être complet mais l'actrice refusa fermement cette option ! On doit à Fay Wray quelques grands classiques de l'âge d'or du cinéma fantastique hollywoodien. Sévissant dans de nombreux westerns muets d'Universal, cette canadienne est révélée en 1928 par Eric Von Stroheim qui lui offre un rôle mémorable dans SYMPHONIE NUPTIALE. Par la suite elle croise des stars de renom tel Gary Cooper et Emil Jannings. Elle apparait dans LES QUATRES PLUMES BLANCHES déjà coréalisé par le duo de réalisateur Merian C. Cooper et Ernest B. Schoedsack. Elle échappe au "tueur de la pleine lune" dans DOCTEUR X (1932) de Tod Browning produit par la Warner qui a pour fervent désir de concurrencer les monstres d'Universal que sont Frankenstein et Dracula. Elle enchaîne ensuite avec MASQUES DE CIRE (1933) de Michael Curtiz, VAMPIRE BAT (1933) et LA CHASSE DU COMTE ZAROFF. En la personne de Fay Wray, le duo de cinéaste tient sa muse. Malgré le triomphe de King Kong qui l'élève au premier plan Hollywoodien, la carrière de la star décline lentement. L'actrice meurt le 9 aout 2004 à 96 ans… elle manquera de peu le remake de Peter Jackson. En souvenir de son rôle dans KING KONG, l'Empire State Building éteindra ses feux durant 15 minutes. Elle restera célèbre pour ses innombrables cris poussés pendant le film.

L'anecdote est connue de tous, mais rappelons-là : en apparaissant aux commandes du biplan qui abat Kong, Ernest B. Schoedsack et Merian C. Cooper font un sympathique caméo…

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1Qui ne pense pas à KING KONG en voyant l'Empire State Building ?
2Une crise économique mise en images dès le début du film. L'héroïne en est rendue à voler une pomme pour se nourrir.
3Conséquence de ce choix, les poils de Kong semblent bouger pendant le film ! Cela est du à la manipulation de la miniature entre chaque prise de vue.

24 mars 2013