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 L'histoire

Un homme se réveille en sursaut dans un train fonçant vers Chicago. Il ne se souvient de rien, même pas de la raison de sa présence dans ce train. En face de lui, une belle jeune femme qui semble le connaître ; et les passagers du train se comportent avec lui avec familiarité alors qu’il ne les a jamais rencontrés. Complètement perdu, il tente de comprendre ce qui lui est arrivé mais quelques minutes après son réveil une bombe explose détruisant tout le wagon, tuant tous ses passagers… lui compris.

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Il se réveille une nouvelle fois, bien vivant, mais cloîtré dans un caisson étrange. Sur un écran face à lui, le visage d’une autre jeune femme, officier de l’armée celle-ci. Elle lui apprend qu’il se nomme Colter Stevens, qu’il est officier de l’armée américaine et pilote d’hélicoptère. Et surtout qu’il participe à une mission spéciale et expérimentale. Il a été projeté dans l’esprit survivant pendant huit minutes d’un homme mort au moment de l’explosion. Sa mission exceptionnelle et urgente est de trouver qui a posé la bombe car un deuxième attentat est en préparation en plein coeur de Chicago ; cette fois ce sont des millions de personnes qui risquent de mourir.

Pour arriver à son but, il va devoir revivre autant de fois que nécessaire les quelques minutes précédant l’explosion, …et sa propre mort dans le corps de celui dont il occupe la mémoire. La course contre le temps commence…

Le petit mot de la Rédac

Le thème du temps est le thème majeur de la science-fiction, celui qui est considéré comme le plus noble, le plus riche mais aussi le plus difficile. En ce domaine, c’est encore une fois Herbert George Wells qui montre la voie avec "La machine à explorer le temps" (1895). Sur ses traces, très nombreux s’y sont essayés, avec plus ou moins de bonheur. Au cinéma, ces dernières années, nous avons pu visionner, entre autres, des films comme DEJA VU (2006) de Tony Scott et NEXT (2007) de Lee Tamahori, peu convaincants face à des chef-d’œuvres tels LA JETEE (1962) de Chris Marker, et, pour serrer au plus près du thème du temps répété de SOURCE CODE, le profond et en même temps très drôle UN JOUR SANS FIN (1993) de Harold Ramis et le magnifique JE T'AIME, JE T'AIME (1968) d’Alain Resnais.

Le parcours de SOURCE CODE commence avec son scénariste, Ben Ripley, qui contacte le producteur Mark Gordon (plus de 70 films et séries à l’actif de ce dernier, dont TOMB RAIDER - 2009, 2012 - 2009, ou IL FAUT SAUVER LE SOLDAT RYAN - 1998) auxquels se joint un autre producteur, Philippe Rousselet. Mais ce n’est pas un réalisateur qui sera cherché immédiatement ensuite : Mark Gordon fait d’abord lire le scénario à Jake Gyllenhaal, qui accepte de jouer le rôle. "Avec Jake, on a tourné LE JOUR D'APRES (2004), Il a été emballé par le scénario et nous a fait pas mal de suggestions très astucieuses. Jake a été déterminant dans le montage financier du film" note Gordon. Après avoir donné son accord, Gyllenhaal a suggéré aux producteurs de contacter Duncan Jones dont le premier long métrage, MOON (2009), l’a beaucoup impressionné.

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Duncan Jones est effectivement ce réalisateur apparemment sorti de nulle part qui –venant de la publicité et après un unique court-métrage (WHISTLE - 2002) nous assène en 2009 un film de SF étrange, à l’atmosphère envoûtante, au style visuel personnel, au sujet fascinant (et déjà dans la duplication !) : MOON. "C’est un auteur complet et c’est exactement ce dont nous avions besoin pour SOURCE CODE." dit de lui Philippe Rousselet. Et Gyllenhaal de préciser : "Duncan s’intéresse aux univers parallèles au nôtre… Dans le même temps, il plonge au coeur de notre inconscient. Dans ses deux films, le personnage est totalement perdu au départ, puis doit trouver ses repères dans un contexte déroutant. Il tente de comprendre ce qu’il fait et pourquoi il est là." Il y a d’évidentes résonances entre la réflexion sur le temps, l’identité et l’humanité de SOURCE CODE et les thèmes du premier film de Jones. Son expérience comme réalisateur de pubs lui a permis d’acquérir un sens visuel certain et de le mettre au service de la narration. Rappelons qu’avec MOON il a remporté le BAFTA du meilleur réalisateur ainsi deux BIFA et le prix Michael Powell au festival du film d’Edinburgh en 2009.

SOURCE CODE doit beaucoup a ses interprètes, tous formidables. On connaît Jake Gyllenhaal, pour son rôle titre dans DONNIE DARKO de Richard Kelly en 2001. Son personnage lunaire, et déjà perdu dans le temps et l’espace, avait séduit un public nombreux et le film est très vite devenu culte. Sa carrière a suivi une montée en flèche avec des rôles parfois difficiles comme dans LE SECRET DE BROKEBACK MOUNTAIN de Ang Lee pour lequel il obtient en 2006 le BAFTA du meilleur second rôle. Nous l’avons vu également –parmi bien d’autres- dans PRINCE OF PERSIA : LES SABLES DU TEMPS (2010) de Mike Newell.

Duncan Jones avait remarqué Michelle Monaghan dans KISS KISS BANG BANG (2005) de Shane Black, avec Robert Downey Jr. qui lui avait permis de s’imposer auprès du public. Le réalisateur souhaitait une comédienne drôle, séduisante, et qui n’avait pas sa langue dans sa poche. Il lui fallait aussi bien sûr le talent de savoir rejouer, mais avec de nombreuses nuances, un personnage que les spectateurs allaient retrouver plusieurs fois de suite avec la répétition de cette tranche fatidique de huit minutes.

La force et l’humanité du capitaine de l’armée américaine et instructrice du héros, Colleen Goodwin, doit tout aux grandes qualités de Vera Farmiga, récemment citée à l’Oscar pour IN THE AIR (2009) de Jason Reitman avec George Clooney, ainsi qu’aux BAFTA et Golden Globe.

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Jeffrey Wright incarne quant à lui celui qui chapeaute tout le projet, le mystérieux docteur Walter Rutledge. Comédien éclectique, Jeffrey Wright s’est aussi bien illustré au cinéma et à la télévision que sur scène. On l’a vu dans deux épisodes de la saga James Bond, CASINO ROYALE (2006) et QUANTUM OF SOLACE (2008). Son interprétation du légendaire Martin Luther King dans le téléfilm BOYCOTT lui a valu un AFI Award en 2001.

Il serait incorrect d’oublier le train, autre personnage important du film ! Il est vite apparu aux producteurs et au réalisateur qu’il ne serait pas question de tourner sur un vrai chemin de fer. Il a donc fallu l’inventer en studio. Ce décor est un des grands atouts du long métrage.

Pour SOURCE CODE, Duncan Jones s’est entouré de techniciens réputés, les meilleurs des spécialistes des blockbusters… Le chef-opérateur Don Burgess s’est illustré sur FORREST GUMP (1994) de Robert Zemeckis (film pour lequel il a été cité à l’Oscar), SPIDER-MAN (2002) et SEUL AU MONDE (2000); il a récemment signé la photo du LIVRE D'ELI (2010) des frères Hughes, avec Denzel Washington et Gary Oldman, et PRIEST (2011) de Scott Stewart. D’autre part, il a réalisé la lumière de nombreux films dont TERMINATOR 3 : LE SOULEVEMENT DES MACHINES (2003). Dans ce genre de film le montage est évidemment extrêmement important ! C’est ici le chef monteur Paul Hirsch qui s’en tire haut la main. Il a monté une quarantaine de longs métrages comme LA GUERRE DES ETOILES (1977) (qui lui a valu l’Oscar en 1978) et L'EMPIRE CONTRE-ATTAQUE (1980), et Ray de Taylor Hackford, (qui lui a permis d’être cité une deuxième fois à cette prestigieuse distinction en 2005). Hirsch s’est frotté à tous les genres, du film d’action à l’horreur, sans oublier évidemment la science-fiction, la comédie musicale, le fantastique, le polar et la comédie. Il a collaboré avec Brian De Palma à 11 reprises - comme, par exemple, CARRIE AU BAL DU DIABLE (1976), BLOW OUT (1981) et MISSION: IMPOSSIBLE (1996)… excusez du peu !

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Concernant l’histoire, nous sommes là dans un voyage vers le passé, toujours beaucoup plus compliqué que vers le futur, libre d’imagination. Mais ici, pas de risque de paradoxes temporels car, en fait, ce n’est pas tant à un voyage dans le temps que nous avons à faire ici qu’à une expédition dans la mémoire survivante d’un mort. On ne peut pas ne pas penser alors à Edgar Allan Poe, et en particulier au sa nouvelle "La Vérité sur le cas de M. Valdemar" publiée en 1835, dans laquelle un savant tente d’accompagner un mourrant de l’autre côté de la vie. Le héros, dans SOURCE CODE, parcours les neurones survivants (les fatidiques huit dernières minutes) d’un mort. Et, comme une malédiction, est condamné (obligé par ceux qui le retiennent… nous ne dirons pas comment) à revivre les mêmes instants, sa mort incluse, tout en ayant la possibilité d’y intervenir, de les remodeler.

Le sujet est casse-gueule mais Duncan Jones et Ben Ripley s’en tirent plutôt bien. Nous n’évitons pas (malheureusement) une longue dissertation pseudo scientifique entre le cobaye et le maître de son temps, le savant docteur Walter Rutledge. Mais, vers la fin, surprise, le film va dérailler (!) et quitter la logique (qui doit toujours être en base de récit, pour mieux pouvoir la transgresser) pour glisser dans les espoirs et la volonté du héros vers un fantastique plus large, presque métaphysique, assurément romantique. Le cocktail était très risqué, les spectateurs (et spectatrices, bien sûr !) y trouveront leur compte selon leurs goûts !

Finalement, SOURCE CODE est à la fois une histoire d’amour et un film d’action ; et digresse sur le sens du devoir, du sacrifice, et de l’honneur, et cela n’échappera pas au public sans qu’il soit particulièrement attentif…. Et vive les USA !...

25 août 2011