Pollufission 2000

(Pollufission 2000)

 L'histoire

Paris, en l’an 2000. Après une apocalypse écologique la pollution est telle qu’on remplit son réservoir au fleuve, et on est obligé, pour de sortir de chez soi, de porter une combinaison hermétique ; d’ailleurs l’air est rationné… La population a décrue à tel point qu’on touche une allocation pour famille nombreuse dès le premier enfant, mais malgré cela le goût de procréer dans ce monde en déliquescence a disparu. Il n’existe pas une personne qui ne souhaite fuir de la ville, bloquée par les autorités.

Fibrome, inspecteur de deuxième classe matricule 33 333, débarque sur la péniche ancrée à un quai de Seine, à côté du cylindre 3610, carré 9, de Folk. Celui-ci, hippy à la retraite, lui-même enregistré sous le matricule social 279 447 vit là dans une sorte de temple du bric à brac, en "couple à trois" avec Nef et Mélusine.

Fibrome prétend être sur une enquête, à la recherche d’un nommé Pfuitt. Mais rapidement, au fil de la conversation, le trio comprend qu’ils ont à faire à un faux flic. Effectivement, Fibrome est un acteur au chômage depuis trois ans, opportuniste qui tente de les parasiter… L’uniforme de flic était celui de son dernier rôle.

Au fil des échanges qu’ont les quatre personnes, Fibrome accroche la sympathie des marginaux et espère pouvoir rester avec eux. Devant l’hésitation des habitants de la péniche, il leur révèle son secret : il possède un avion caché, et surtout, il connaît une île déserte, découverte quelque part dans l’Océan indien par son beau-frère géographe. Île où il serait possible de vivre sans masque à gaz, avec de l’herbe, de l’eau, des oiseaux, le soleil, du grand air et la liberté… Fibrome propose à Folk, Nef et Mélusine d’être les Robinson Crusoë du XXIème siècle…

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Le petit mot de Francis SCHALL

Dans ce téléfilm, adapté d’une pièce de théâtre par son auteur, Éric Wesphal, nous retrouvons un peu de l’esprit farfelu et inventif de la série L'ALPHOMEGA dont Henri Virlojeux était un des interprètes principaux. Dialogues surréalistes, parfois poétiques, situations incongrues, les quatre acteurs s’en donnent à cœur joie pendant les 52 minutes de ce court téléfilm. Bien que dans ce lieu unique et étroit (une péniche) l’action soit totalement inexistante les propos des protagonistes amènent insidieusement une image inquiétante de ce monde totalitaire en perdition. Rien ne parvient de l’extérieur hors le bruit des hélicoptères de surveillance et des sirènes de police, et lentement l’histoire légère du début avance vers le drame.

"Quand une civilisation devient infantile, elle n’a plus besoin d’acteurs mais de cabotins, de machines à grimaces, de robots !...", constate Fibrome. En trente ans nous avons effectivement vu le résultat à la télévision ! Cette toute nouvelle télévision en couleurs évoquée ici comme outil d’abrutissement de masse. "Que demande le peuple ? S’asseoir et rigoler…", déplore Fibrome, l’acteur qui ne veut pas jouer le rôle que lui impose le pouvoir et préfère prendre le risque de la révolte par l’évasion.

Jean-Pierre Prévost a tourné de nombreuses séries dont nous retiendrons : SYDNEY FOX, L'AVENTURIERE (1999) et LARGO WINCH (2001).

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L’acteur Henri Virlojeux (1924–1995), après avoir été un savant dans LE FOU DU LABO 4 de Jacques Besnard (1967) reste dans ce registre en étant successivement la voix d'un des sept scientifiques de la série animation LES AVENTURES DE TINTIN dans TINTIN ET LE TEMPLE DU SOLEIL, et finalement il sera celle du professeur Tournesol dans le film d'animation TINTIN ET LE LAC AUX REQUINS (1972) ; il a tenu le rôle parodique de Herlock Sholmes dans la série TV ARSENE LUPIN (1971-1973) et est le formidable Tonton dans la série L'ALPHOMEGA (1973) ; il est aussi du SIGNE FURAX de Marc Simenon (1981).

André Dussollier, cet important (par son talent et sa diversité) acteur français débute sa carrière justement dans le domaine SF avec ILS de Jean-Daniel Simon (1970) ; on le retrouve bien plus tard, après plus de cent trente rôles, dans UN TICKET POUR L'ESPACE d'Eric Lartigau (2006).

Marie-Anne Chazel, longtemps épouse de Christian Clavier avec qui elle était du célèbre Café de la Gare, est surtout connue pour ses interprétations dans des blockbusters français : LE PERE NOEL EST UNE ORDURE (1982) et la série des BRONZES. En SF à volonté comique, elle nous a fait bien rire dans son rôle de clocharde déjantée dans LES VISITEURS (1993) puis LES COULOIRS DU TEMPS : LES VISITEURS 2 (1998),

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POLLUFISSION 2000 est un petit téléfilm sympathique, souvent drôle. On pouvait craindre que sa manière théâtrale ne mène son sujet qu’à une nostalgie de la nature et du bon vieux temps. Effectivement, nous sommes à des milliers d’années lumière de films évoquant le même thème mais avec tellement plus d’énergie et d’efficacité, ainsi SOLEIL VERT. Et cependant… voici une curiosité à laquelle nous devrions être attentif comme témoignage d’un contexte bien particulier, les années 70, et cette explosion des grandes luttes écologiques ; l’époque où surgissent des journaux tels La Gueule Ouverte (1972-1980), Le Sauvage (1973 à 1981), Combat Nature (1974-2004), ou encore Ecologie-Hebdo, Le Courrier de la Baleine ou Le Tréponème bleu pâle…. Une période de combats à se remettre en mémoire au moment de la reconnaissance, enfin, du réchauffement climatique. POLLUFISSION 2000 nous renvoie trois ou quatre décennies en arrière, une époque que nous avons grand tord d’oublier, ainsi que l’inaction dénoncée devant la montée des périls. "Pourquoi ne nous sommes nous pas révoltés à temps ? Nous avons tout vu venir, pourtant…", demande Folk à Fibrome. Qu’en retirerons les spectatrices et les spectateurs d’aujourd’hui ?

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Francis Schall

21 février 2012