Interstellar

(Interstellar)

 L'histoire

Alors que la vie sur Terre touche à sa fin, un groupe d’explorateurs s’attelle à la mission la plus importante de l’histoire de l’humanité : franchir les limites de notre galaxie pour savoir si l’homme peut vivre sur une autre planète…

Cooper va devoir quitter sa famille pour sauver l'humanité - Interstellar
Cooper va devoir quitter sa famille pour sauver l'humanité

Le petit mot du Doc

Avec INTERSTELLAR Christopher Nolan aborde le plus noble des sujets de la science-fiction : l'humanité moderne à la recherche d'une nouvelle Terre. Un sujet peu commun car sans doute pas facile à raconter. Si la science-fiction a montré moult nouveaux mondes, peu de films ont exploité l'idée de leur conquête par l'humanité dans le seul but humanitaire. LE CHOC DES MONDES (1951) de Rudolph Maté est l'œuvre qui se rapproche le plus de ce nouveau spectacle hallucinant. C'était celui d'hommes et de femmes embarquant à bord d'une arche salvatrice pour échapper à la fin du monde et débarquant sur un monde vierge et rempli d'espoirs (avec pour simple visuel de la terre d'accueil un arrière plan grossièrement peint, mais qu'importe !) Ici, exit le sous-entendu de l'exode biblique du CHOC DES MONDES et l'aspect religieux qui s'était immiscé dans l'histoire de CONTACT (1997) de Robert Zemeckis avec Jodie Foster. INTERSTELLAR est placé sous le signe de la science, rien que la science… et de l'humanisme.

La Terre se meurt et plus rien ne pourra empêcher cela. Les plus optimistes prédisent qu'une seule et dernière génération survivra sur cette bonne vieille planète que l'Homme a saignée à blanc. Il en a enfin pris conscience - mais bien trop tard - et n'a plus qu'un objectif : survivre. Honteux de s'être autodétruit il regrette ses erreurs au point même de nier ses exploits pionniers passés, en particulier ceux de la conquête de l'espace. Ici, point de cataclysmes ultra-violents à la Roland Emmerich ou de radioactivité provoquée par les guerres, mais un fléau monotone et répétitif meurtrier, des tempêtes de poussière (d'où viennent-elles ?) qui étouffent, au sens propre comme au sens figuré. Quelques anciens de la NASA dont le Professeur Brand (joué par Michael Caine, le majordome de Batman dans la trilogie de Christopher Nolan - on ne change pas une équipe qui gagne !) ont encore espoir de quitter ce monde, la seule option possible. On fait appel à Cooper (joué par l'excellent Matthew McConaughey qui apparaissait déjà dans CONTACT en porteur de la sainte parole), un ancien astronaute pour commander la mission Lazarus. Deuxième vague d'éclaireurs elle doit rejoindre un groupe de planètes de l'autre côté de l'univers afin de déterminer laquelle pourra abriter l'humanité nomade. Le voyage va se faire via un trou de vers qui s'est formé tout près de Jupiter. Et on ne sait pas qui l'a posé là ! Toujours est-il que Cooper, dont la théorie de la relativité d'Einstein prédit qu'il va vieillir bien moins vite que ceux restés sur Terre, va devoir abandonner sa famille pour la survie de l'humanité. Un sacrifice difficile.

Cooper et Brand - Interstellar
Cooper et Brand

Tout comme MEMENTO dirigé par Nolan en 2000, Jonathan Nolan, le jeune frère de Christopher, est à l'origine de ce projet. En plus de trouver ses racines spirituelles dans le "Dust Bowl" – cette sécheresse qui, à l'époque de la Grande Dépression, a frappé l'Amérique et a vu des tempêtes de poussière s'abattre sur le Middle-west et ravager les récoltes agricoles, il a travaillé pendant 2 ans avec Kip Thorne. Ce scientifique de renom devenu producteur exécutif sur le film a écrit "Trous noirs et distorsions du temps", un essai de vulgarisation sur ces mystères de l'univers. Car le scénariste a choisi de raconter son histoire dans le souci du "scientifiquement juste" même s'il réside quelques incohérences1. Bien que le film ne soit pas avare en explications, il faut reconnaître que ce n'est pas toujours simple à suivre : interviennent la théorie de la relativité et du voyage dans le temps, la gravité, les environnements multidimensionnels, la navigation cosmique, trous noirs et autres trous de vers. Passionnant ! A l'image de cet exemple de vulgarisation qui consiste à replier une feuille de papier pour expliquer le voyage quasi instantané d'un point de la galaxie vers un autre par courbure de l'espace-temps : une démonstration vue aussi dans EVENT HORIZON, LE VAISSEAU DE L'AU-DELA (1997). Quid du final ? Ce "tesseract", une vision en 4 dimensions d'un cube, en particulier la chambre de Murphy, la fille de Cooper. Pour que tout soit le plus réaliste possible, la production a également fait appel à l'astronaute américaine Marsha Ivins, qui a participé à cinq expéditions vers la station spatiale MIR, pour lui servir de conseillère technique. Bref rien n'a été laissé au hasard pour rendre cette histoire plus vraie que nature, tout comme les recherches qu'avait faites Stanley Kubrick pour 2001 L'ODYSSÉE DE L'ESPACE.

Brand - Interstellar
Brand

Il est indéniable qu'INTERSTELLAR offre la plus belle de ses références au chef d'oeuvre de Kubrick. Le trou de ver proche de Saturne (peut-être) déposé là par une entité extra-terrestre comme l'était (sans doute) le "Monolithe de Tyco" pour message du devenir de l'humanité ; des robots ordinateurs qui rappellent HAL 9000 (en plus gentils) pour le fond et les mêmes monolithes pour la forme ; le voyage dans le trou noir pour Cooper en réponse à celui de Bowman au travers de la porte spatio-temporelle représentée par un autre de ces monolithes ; l'absence totale de son dans l'espace. Sans le plagier et traité de manière plus rationnelle INTERSTELLAR s'élève au même rang que 2001 L'ODYSSÉE DE L'ESPACE. Il en est de la même trempe. Il aura quand fallu attendre 46 ans pour voir cela ! Christopher Nolan qui a vu le film de Kubrick à l'âge de 7 ans explique "En faisant INTERSTELLAR, j'ai essayé de donner au public d'aujourd'hui l'équivalent de ce que fut, pour moi, la vision du film de Kubrick."

Le film est aussi un hommage aux pionniers de l'astronautique tout comme l'était L'ETOFFE DES HEROS (1983). Christopher Nolan, qui est un admirateur inconditionnel du (très) long métrage de Philip Kaufman, l'a d'ailleurs projeté à ses collaborateurs avant le tournage. Autre référence : dans sa première partie, INTERSTELLAR reprend les codes de la quête de l'inconnu de RENCONTRES DU TROISIÈME TYPE (1977) lorsque Cooper est guidé par un curieux message caché pour découvrir un point de rendez-vous. Pour la petite histoire, c'est d'ailleurs à Steven Spielberg que le projet à tout d'abord été proposé, mais celui-ci étant fort occupé sur d'autres productions, il a laissé la main à Nolan.

Christopher Nolan est un cinéaste singulier qui aime jouer avec la perception que l'on a des choses. Il fonctionne comme un réalisateur de blockbusters, tout en bénéficiant d'une liberté artistique absolue – ce qui est exceptionnel - et en employant des techniques à l'encontre des tendances actuelles, ce qui est d'autant plus exceptionnel. INTERSTELLAR ne déroge pas à la règle. Nolan n'a pas succombé au tournage en numérique ni aux sirènes de la 3D mais le film regorge de scènes tournées en IMAX, son format de prédilection. Le réalisateur privilégie aussi les effets spéciaux à l'ancienne (modernisés tout de même) et évite l'emploi des écrans verts faisant tout son possible pour que les acteurs interagissent le plus possible avec les décors et éléments du film. A ce titre, le tournage dans les paysages d'Islande a été parfait pour représenter de lointaines planètes plutôt imaginatives.

Christopher Nolan dirige le texan Matthew McConaughey - Interstellar
Christopher Nolan dirige le texan Matthew McConaughey

Avec INTERSTELLAR, Christopher Nolan remet au gout du jour la notion de Frontière que l'Amérique à toujours cherché à repousser. Au delà de l'ouest américain et au-delà de notre stratosphère, la frontière est cette fois-ci celle de notre système solaire. C'est aussi un film profondément humaniste qui parle d'amour : l'amour de la famille (Mathew McConaughey dans son rôle d'astronaute et de père déchiré à l'idée de quitter ses enfants est tout simplement parfait), l'amour de l'humanité et celui de la planète. Les frères Nolan qui traitent le spectateur comme quelqu'un d'intelligent, nous ont bien heureusement épargné certains clichés dont celui – qui aurait été trop facile – d'une éventuelle histoire d'amour entre Cooper et Brand, la seule femme faisant partie de l'équipage, jouée par Anne Hathaway, Catwoman dans THE DARK KNIGHT RISES (2012). Christopher Nolan aborde aussi la thématique du temps et du vieillissement avec beaucoup de philosophie et un maître mot : espoir.

INTERSTELLAR est un véritable bol d'air frais apporté à la science-fiction, un renouveau qui fait chaud au cœur et qui tourne une véritablement une nouvelle page dans l'histoire du genre. Merci M. Nolan ! On va trouver tout le reste bien fade !

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1 En particulier on peut se demander comment le vaisseau peut redécoller aussi vite de la planète d'eau alors que la gravité est plus importante que celle de la Terre. Mais c'est un détail qui laisse aussi un peu de place à la poésie et à la magie du cinéma.
2 A propos des robots TARS, CAVE et KIPP, s'ils sortent de l'ordinaire - la chose n'est pas coutume -, je ne suis pas certain que leur design structurel soit le plus adapté pour les missions qu'ils ont à réaliser.

10 novembre 2014