Penny Dreadful

(Penny Dreadful)

 L'histoire

Londres, 1891 : une menace quasi invisible massacre la population. Vanessa Ives, une jeune femme aux pouvoirs puissants et hypnotiques, rencontre et accepte de s'allier à Ethan Chandler, un américain rebelle et violent ainsi qu'à Sir Malcolm, un homme riche d'un certain âge aux ressources intarissables pour combattre cette nouvelle menace.

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Le petit mot de Prof SF

Depuis quelques années, la série horrifique est un style d'oeuvre de plus en plus représenté sur les écrans de télévision américaine. Bénéficiant de la liberté offerte par le câble comme la profusion possible de sang, de sexe et de violence, un paquet d'oeuvres (comme AMERICAN HORROR STORY, HEMLOCK GROVE voire THE WALKING DEAD) souvent bien gores a envahi les programmes.

Surfant donc sur cette mode actuelle, PENNY DREADFUL fut commandé par la chaîne Showtime au début de l'année 2013. Produite par John Logan et Sam Mendes (le duo responsable du dernier James Bond, SKYFALL), réalisée par des cinéastes de qualité (avec en tête de liste Juan Antonio Bayona le réalisateur espagnol de L'ORPHELINAT et de THE IMPOSSIBLE), interprétée, entre autre, par la magnifique Eva Green, le revenant Josh Harnett et le toujours flegmatique Timothy Dalton, portée par un pitch des plus improbables, cette série avait tous les ingrédients pour faire saliver le moindre fan de film d'époque victorienne à tendance horrifique et gothique, bref l'amateur de film de genre estampillé Hammer Film Production. Car si, durant l'excellent pilote, on suit essentiellement l'affrontement des trois personnages principaux contre les forces d'un mal indéfini, ceux-ci sont rapidement rejoint par Mina Harker, Victor Frankenstein et sa créature maléfique, Dorian Gray ou le mythique chasseur de vampires, Abraham Van Helsing soit des figures d'importance de la littérature fantastique britannique, magnifiées au vingtième siècle, dans les années 30 et 40, par les studios hollywoodiens, puis, plus tard, dans les années 50 et 60, par la mythique société de production britannique.

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Projet intéressant et excitant sur le papier, visuellement impressionnant sur l'écran (quel dommage de ne pas voir cette série sur un grand écran), PENNY DREADFUL tire son nom et l'inspiration de ses auteurs, de petits récits, fantastiques et horrifiques, extrêmement populaire durant l'époque victorienne.

En bon mixage des différents mythes, réussissant là ou tant d'autres ont échoué (voir le désastre de LA LIGUE DES GENTLEMEN EXTRAORDINAIRES par exemple), cette œuvre, qui dispose de plusieurs éléments permettant sa réussite, convint en premier lieu par son ambiance gothique. Filmée à Cabinteely, dans la banlieue de Dublin, à Wicklow et même dans certains quartiers de Londres, cette fiction élégante est, par conséquent, avantageusement portée par ses décors d'un réalisme saisissant et fidèles à la capitale anglaise de la fin du dix-neuvième siècle. Ruelles sombres et chemins pavés, éclairage à la bougie, brume dense et typiquement anglaise, constituent alors le cadre idéal d'une ambiance surnaturelle et effrayante de cette époque marquée par la terreur véhiculée par les meurtres horribles d'un certain Jack l'éventreur.

Magnifiée donc par ses décors, PENNY DREADFUL est une excellent surprise, une belle réussite bien loin des craintes suscitées par cet étrange mélange de personnages imaginaires créés pour l'occasion, de monstres mythiques (outre la créature du docteur Frankenstein, le spectateur perçoit l'ombre de Dracula et d'un loup-garou poindre dans certains épisodes) et de figures littéraires à la renommée établie. Mais, contrairement à ce que le pitch peut laisser penser et à l'exception de scènes érotiques parfois mal venues voire incongrues et de longs dialogues philosophiques un brin prétentieux, cette série reste finalement relativement sobre et ne verse que rarement dans l'excès.

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Structurée narrativement autour d'une histoire basique (Sir Malcolm a vu sa fille se faire enlever par une étrange bête et recrute une équipe hétéroclite capable de délivrer la jeune femme des forces du Mal), ce feuilleton finalement complexe évite les défauts inhérents à ce type de réalisation en mettant en place une narration limpide sur un rythme lent et plaisant bien loin de celui, effréné, de certaines concurrentes.

Avantagée par son univers réaliste, esthétiquement et visuellement magnifique, exempt du poids souvent lourd d'effets spéciaux inutiles, PENNY DREADFUL met, de plus, parfaitement en vedette la magnifique et hypnotique Eva Green dont la carrière Outre-Altlantique commence à devenir intéressante. Pivot du récit (sans trop en dire elle est la responsable des événements décrit dès le pilote), l'actrice française qui a joué chez Rodriguez, Campbell, Scott et Araki, éclaire de sa grâce toute l'histoire et semble omniprésente même dans certaines scènes où elle ne figure pas. Le duo qu'elle forme avec l'ex-James Bond Timothy Dalton est excessivement convaincant et apporte une crédibilité d'ensemble même pour des scènes semblant irréelles.

Mais, et c'est là l'une de ses grandes qualité, PENNY DREADFUL permet également de retrouver l'acteur américain Josh Hartnett, de retour d'une carrière cinématographique en déclin. Starifié par PEARL HARBOUR en 2001, ce comédien a connu des moments de gloire et le sommet des box-offices pendant une demi-douzaine d'années avant de sombrer dans un relatif oubli. Convaincant et intrigant, il est parfait dans le rôle d’un cowboy fragile détruit par un lourd secret et trône, presque par surprise et à égalité avec Eva Green, au-dessus d'un casting solide tout en confirmant un retour en grâce inespéré.

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S'il parait impossible, à la vue de cette première saison constituée uniquement de huit épisodes, de prédire que PENNY DREADFUL sera la grande série d'épouvante et d'horreur gothique, il semble toutefois évident, par la clarté d'histoires pourtant denses, par l'utilisation habile de figures littéraires d'importance du genre et par la qualité impressionnante de sa réalisation et de son interprétation, que cette œuvre demeure déjà un divertissement culte, excessivement plaisant et particulièrement effrayant tout en rendant hommage aux studios Hammer idolâtrés par une cohorte de fans. En réussissant dès sa saison originelle, le pari osé de revisiter avec brio les grandes figures du folklore d'épouvante anglais, en redéfinissant certains personnages que l'on croyait gravés dans un marbre éternel, elle permet au téléspectateur de passer outre ses légers défauts de mauvais goût et ses éventuelles incongruités narratives pour enfermer son auditoire dans une spirale addictive qu'il semble difficile à sevrer.

11 mai 2015