Z Nation

(Z Nation)

 L'histoire

Trois ans après qu'un virus transformant les morts en zombies ait ravagé les Etats-Unis, un seul homme est immunisé contre l'infection. Le futur de l'humanité dépend de lui, mais le terrible secret qu'il cache pourrait mettre en danger l'équipe chargée de le conduire dans un laboratoire en Californie pour développer un vaccin. Le chemin sera long et semé d'embûches…

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Le petit mot de Prof SF

Au cinéma, cela fait maintenant un bon paquet d'années que le zombie est « tendance ». Fini les long-métrages confidentiels réservés aux aficionados du genre ; place à la massification de ce type d'oeuvre, à l'ouverture vers des publics de plus en plus jeunes. Mis à toutes les sauces, élargissant son coeur de cible, le mort-vivant s'est vu impliqué dans des œuvres diverses et variées et ceci dans quasiment tout les domaines. Comédie romantique (WARM BODIES RENAISSANCE de Jonathan Levine), film parodique (SHAUN OF THE DEAD de Edgar Wright ou PLANÈTE TERREUR de Roberto Rodriguez) ou film gore du plus bel effet ([REC] de Jaume Balagueró & Paco Plaza), le zombie a même dépassé le simple cadre du cinéma pour envahir les écrans de télévision (DEAD SET et THE WALKING DEAD, of course!) mais également le domaine de la bande dessinée (comme le manga "High school of the dead"), du jeux vidéo ("Resident evil") ou de la littérature (l'excellent "Feed" de Mira Grant et bien sur World War Z").

Surfant sur la mode actuelle, les producteurs de The Asylum décident, l'an passé, d'apporter leur pierre à l'édifice en développant Z NATION, une série comique et référencée, programmée sur SyFy, qui dispense, par son absence de message et sa volonté de dérision, un petit vent de fraîcheur relativement bienvenu. Spécialisés aussi dans le mockbuster, ces relectures comiques de certaines œuvres sérieuses du cinéma fantastique, ce studio coupable d'un paquet de nanars ces dix dernières années est, entre autre, responsable de SHARKNADO, film à prendre au dixième degré mais disposant d'une estime très importante (voire n'ayons pas peur des mots d'une idolâtrie) de la part de fans dans le monde entier.

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Depuis cinq ans, soit depuis la saison originelle de THE WALKING DEAD, le moindre téléspectateur fan d'oeuvre horrifique tendance zombie était persuadé que combattre ces morts-vivants était une chose trop sérieuse pour être confiée à des rigolos. En effet, la série créée entre autre par Franck Darabont est une œuvre hyper réfléchie que peut résumer le point de vue suivant : « en temps de chaos et d'apocalypse, il n'y a pas de menaces plus dangereuses que l'être humain ». Z NATION, écrite par Karl Schaefer, sera l'opposée même de son aînée, l'antithèse de la série phare de AMC et énonce une règle plus simple : « bousillons tout ces enfoirés de zombies ! » soit l'équivalent de la compassion ("have mercy" en V.O.) pour les héros de ce feuilleton résolument outrancier.

Alors philosophes des séries télévisées, passez votre chemin ! Ici, pas de réflexion sur la cruauté de l'homme, sur son absence ponctuelle d'humanité dans des cas extrême et sur le fait que l'homme est le plus grand prédateur de l'homme. Dans Z NATION, on tue, on massacre, on ventile façon puzzle le moindre zombie qui marche, qui court ou qui vole ! Alors, par exagération, par exposition de chairs, de cervelles, de sang ou d'entrailles cette série finit par atteint facilement son but : alterner le gore bien dégueulasse avec du comique limite troupier afin de divertir et uniquement de divertir.

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Histoire hyper basique qui laisse du temps de cerveau disponible, petit plaisir coupable privilégiant l'action puis ensuite l'action et enfin l'action dans des scènes où l'hémoglobine coule à flot, Z NATION n'est pas la série du siècle mais elle contient suffisamment de clin d'oeil, de références et de citations pour intriguer le spectateur plus exigeant et cinéphile. Car malgré les limites de ce type d'oeuvre résolument satirique (notamment l'impossibilité de susciter la moindre émotion lors de moments dramatiques où disparaissent des personnages principaux), cette série comporte suffisamment d'hommages aux monuments du genre qu'il nous est impossible de vraiment la négliger.

Décidant de placer leur action trois ans après le début de l'épidémie, soit pour permettre une mise en action directe, le téléspectateur évite le questionnement inhérent aux rôles de tout à chacun et plonge directement dans un monde cataclysmique où le zombie est roi, où il occupe la planète.

Remarquons tous d'abord que l'héroïne principale est probablement un mixage des deux survivants du massacre de ZOMBIE de Georges A.Romero. Remarquons également l'auto-référence à SHARKNADO lorsque des zombies volent grâce au courant ascendant d'une tornade. Au fur et à mesure des épisodes, les citations se multiplient et font resurgir le souvenir de films importants du cinéma de genre comme THE THING de John Carpenter ou même FULL METAL JACKET de Stanley Kubrick (rien que cela!).

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Disposant d'un budget réduit compensé par certaines trouvailles scénaristiques, filmé, on l'espère involontairement, dans des couleurs ternes et fades rappelant l'aspect d'un documentaire amateur voire d'un jeu vidéo d'assez mauvaise qualité, interprété par des acteurs au CV famélique qui ne devrait guère trouver d'autres rôles à la fin de cette série, Z NATION propose malgré tout une alternative intéressante à THE WALKING DEAD grâce à des histoires toujours en mouvement mais surtout son personnage principal, l'excellent Murphy. Interprété brillamment par un Keith Allan que l'on découvre, doté d'un humour sombre, se modifiant visuellement au cours des épisodes, cet antihéros auquel on finit par s'attacher est une crapule, un être sans coeur capable du pire (libérer un zombie pour qu'il bouffe sa femme et sa fille) comme du moins pire (passer pour un héros auprès de ses compagnons qu'il sauve après avoir commis l'acte horrible décrit précédemment). Point d'ancrage du récit, il figure en tête de liste des raisons qui pousserait un téléspectateur méfiant et blasé à continuer l'aventure de ses compagnons et lui-même au-delà d'une première saison de 13 épisodes qui semble pourtant avoir déjà tout dit.

Assument complètement son côté décalé, décérébré et jouissif, Z NATION est au final un plaisir relativement coupable, une œuvre régressive de mauvais goût mais qui démystifie totalement l'importance du discours très sérieux de sa concurrence par une approche nanardesque du meilleur effet.

23 avril 2015